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Publié le 11 septembre 2018

Qualité de Vie au Travail : ne nous trompons pas de sujet !

Profil atypique

Programme de bien-être au travail, ou travail bien fait ?

Une étude américaine du National Bureau of Economic Research  What Do Workplace Wellness Programs Do ?  challenge l’efficacité des programmes de bien-être au travail. Des résultats qui invitent à remettre le travail au cœur des réflexions sur la Qualité de Vie au Travail via la relation entre « bien-être » et « bien-faire ».

Programmes de bien-être au travail : des objectifs non atteints selon l’étude

Sport, yoga, cours de nutrition, méditation… La panoplie des programmes de bien-être dispensée sur le lieu de travail peut-elle permettre de réduire les dépenses médicales des collaborateurs, diminuer l’absentéisme, augmenter la productivité… en favorisant le bien-être des employés ?

Pour le savoir, l’efficacité économique et personnelle de tels programmes – dont plus de 50 millions d’employés bénéficient aux Etats-Unis – a été évaluée par le National Bureau of Economic Research. Ce dernier a mis en place un programme test destiné à un groupe de 12 000 employés avec des conditions d’éligibilité et des incitations financières variables ayant attiré 56% d’employés éligibles. Quels en sont les résultats au bout d’un an ?

  • Les programmes de bien-être attirent les « déjà convaincus »

Tout d’abord, les participants au programme avaient, avant la mise en place du programme, des dépenses médicales moindre et une meilleure hygiène de vie (sport, nutrition, sommeil…) que les non participants.

Cela revient à dire que le programme touche en priorité les convaincus. Il n’atteint pas ou très peu les employés qui en ont le plus besoin ; ceux qui présentent un risque santé plus élevé ainsi qu’une source de dépenses de santé importante.

  • Pas d’effets notables sur les bénéficiaires du programme

Par ailleurs, l’étude indique qu’il n’y a pas d’effets notables du programme sur les dépenses médicales totales, les comportements en matière de santé, la productivité ou encore les réponses fournies dans les questionnaires de santé des bénéficiaires.

Rappelons que ces derniers sont les personnes ayant – avant le démarrage du programme – une meilleure hygiène de vie que les non participants.

  • Un système d’attraction, de rétention et d’écrémage rentable à terme pour les entreprises ?

En définitive, l’étude conclut que ce genre de programme est davantage un argument d’attraction et de rétention des talents qui ont déjà une bonne hygiène de vie. Pour ces « consommateurs » du programme, la perspective de pouvoir pratiquer un sport en entreprise ou de faire de la méditation est un atout pratique séduisant.

Ainsi, le programme permet de sélectionner les employés dont le coût des dépenses médicales est le plus bas. Cela n’est pas négligeable dans un pays où les assurances santé coûtent une vraie fortune et sont souvent prises en charge par les employeurs.

Au final, cela pourrait donc se traduire par des économies pour les entreprises. Cependant, on est loin de l’esprit de départ visant à modifier les comportements des personnes les plus à risque.

Mais où est passé le travail bienfaisant ?

Au-delà des nombreux chiffres fournis, l’étude américaine nous amène à faire deux remarques.

  • Une vision court-termiste ?

Tout d’abord, on peut se demander si une année de test est suffisante pour espérer attirer les employés qui auraient le plus besoin de ce programme et pour modifier des « mauvais » comportements ancrés depuis des années. Peut-être qu’une étude sur un plus long terme permettrait une autre mesure du « retour sur investissement. »

  • Externaliser le « bien-être » ?

Mais surtout, l’étude pose évidemment la question de ce qu’est le « bien-être » d’une part, et de ce qu’est « le bien-être au travail » d’autre part, avec toute la complexité culturelle et individuelle que cela sous-entend. Et ce d’autant que le “bien-être” ne se décrète pas !

Le programme de bien-être au travail qui est présenté dans l’étude consiste en des ateliers se déroulant sur le lieu de travail, mais n’ayant pas grand-chose à voir avec le travail en lui-même. Son objectif est principalement économique : réduire les dépenses de santé et l’absentéisme, augmenter la productivité grâce à des employés en meilleure santé. La source du « bien-être » est donc le yoga, ou le sport… mais pas le travail réel ! Ainsi, on peut très bien imaginer d’excellents cours de nutrition donnés dans une entreprise où les cas de maltraitance managériale sont légion …

Cela nous conduit à rappeler quelques fondamentaux sur la relation entre le « bien-être » et le « travail ».

Remettre le travail au cœur de la Qualité de Vie au Travail

  •     « Il n’y a pas de bien-être sans bien faire », Yves Clot

Lors d’une récente conférence donnée dans le cadre de la Semaine pour la Qualité de Vie au Travail 2018, l’éminent psychologue du travail, Yves Clot, est revenu sur la relation entre le « bien-être » et le « bien faire » cliniquement prouvée.

Il a évoqué le déni des conflits entourant les critères de la qualité du travail (le bien faire) dont les symptômes s’expriment en partie dans le glissement du vocabulaire depuis un demi-siècle : stress, souffrance au travail, Risques Psycho-Sociaux, Qualité de Vie au Travail…

Mais Yves Clot le dit tellement mieux lui-même :

https://youtube.com/watch?v=EJcXXZbINEk%3Frel%3D0
  • Le modèle Réciprox de Françoise Papacatzis

Dans cette même veine qui s’intéresse au travail réel plutôt qu’aux accessoires, Françoise Papacatzis, Consultante en amélioration de la Qualité de Vie au Travail a mis en place un modèle d’analyse et d’amélioration de la qualité du travail et de la Qualité de Vie au Travail.

Selon ce dernier, trois piliers sont essentiels. Le premier est le lien social qui permet d’échanger, d’interagir et d’exister. Le second est le cadre qui permet d’être protégé et limité, mais donne aussi des zones d’autonomie et permet d’agir sur son propre travail. Le troisième enfin est la reconnaissance qui conforte l’utilité du travailleur. L’ensemble soutient, nourrit et renforce le sens du travail et la qualité du travail, deux conditions indispensables pour parler de Qualité de Vie au Travail.

  •   Le travail source de « bien-être »

Dans les deux visions, on est loin des « programmes de bien-être » un peu artificiels … Les sources de « bien-être » sont au cœur du travail et du fonctionnement de l’organisation à travers son management, ses moyens, ses process, la reconnaissance… pas dans un cours de pilate ! C’est un travail abouti et de qualité délivré grâce à de bonnes conditions de  travail qui procure satisfaction et “bien-être”. 

Le travail donne à l’individu une utilité, une source de revenu et une existence sociale. Le travail bien fait, par sa qualité, lui permet d’accroître son estime de soi et de s’individuer, de se réaliser … Il est intimement lié au « bien-être ». C’est ainsi que le « bien-être » est indissociable du « bien-faire. »

Cela ne veut pas dire que les programmes de bien-être en entreprise sont sans intérêt. Ils sont certainement une source de motivation et d’attractivité supplémentaire. Toutefois, leur seule mise en place de manière consumériste n’est pas suffisante pour produire des effets pérennes sur le « bien-être » et sur l’engagement, le nerf de la guerre des RH.

Pour conclure sur ce sujet que nous n’avons fait qu’effleurer, les organisations doivent être très prudentes dans la manière dont elles se saisissent des thématiques concernant la Qualité de Vie au Travail. Des cours de yoga, un baby-foot ou encore des espaces de détente ne sont pas des gages de « bien-être » permettant d’accroître la productivité et de réduire l’absentéisme. Ces dispositifs externes au travail ne peuvent compenser un travail à la qualité insuffisante, effectué dans de mauvaises conditions et générateur de stress, fatigue et mauvaise image de soi.

Dans un contexte où les formes de collaboration évoluent, où l’agilité devient la règle et où les jeunes générations se disent en quête de sens, se pencher sur le travail réel et les conditions de sa bonne réalisation semble demeurer une valeur sure. C’est un travail de fond d’écoute et d’ajustement permanent. Il nécessite d’avoir le courage de regarder l’organisation dans son écosystème de la manière la plus objective possible dans un but d’amélioration continue des process, du management, des compétences, des méthodes, des collaborations… Il implique d’intégrer les retours et idées des collaborateurs. Il a pour finalité de fournir les meilleures conditions de travail possibles pour permettre aux travailleurs de délivrer le meilleur travail et d’en retirer une satisfaction en se projettant dedans.

Et effectivement, c’est bien plus complexe et chronophage que de proposer des cours de méditation ou de demander aux collaborateurs d’apprendre à bien se nourrir ou à gérer leur stress !

Crédit Photo : Geert Pieters@shotsbywolf

Christelle Thouvenin